Blé : une hausse des prix excessive ?

Depuis fin juin, le marché du blé à Chicago est en feu. Aux craintes sur l’état des blés de qualité, est venue s’ajouter une révision à la baisse des superficies emblavées de HRS [1] (12 à 15% de protéines). Il n’en fallait pas plus pour faire paniquer les investisseurs, riches de liquidités et qui pariaient jusqu’à présent plutôt sur une baisse des prix. Mais la réaction des marchés semble excessive. Rappelons-nous juillet 2011, puis juillet 2012, où les prix ont grimpé en flèche aux USA, avant de faire pschitt !

Il faut donc resituer le contexte mondial des céréales et le pouvoir concurrentiel des autres pays exportateurs pour analyser la situation à froid et comprendre si la réaction ne sera que ponctuelle ou si elle installera une tendance lourde. Car ce qui se passe aux USA ne suffit pas à faire le marché !

Pour l’instant, la seule évolution dans les statistiques concerne un recul des semis américains de blé de printemps plus important que prévu (compensé en partie par une hausse des blés d’hiver), et qui pourrait impacter de 1 Mt la récolte globale 2017 dans le prochain bilan de l’USDA. Celle-ci chuterait de 63 Mt en 2016 à 49 Mt en 2017 (contre 50 Mt annoncé il y a un mois). Dans le contexte mondial actuel, cela ne semble pas de nature à bouleverser les équilibres, d’autant que la demande pour la campagne 17/18 sur les blés Us est attendue en baisse de 1.3 Mt et est sans doute encore surestimée… Plus que les surfaces, ce sont bien les rendements qui feront le bilan. Il est vrai que la météo n’est guère réjouissante aux USA. Mais il faudrait cependant que ces rendements chutent très lourdement face au niveau moyen annoncé (47.3 bu/acre soit 3.2 t/ha) pour que le stock de report américain repasse sous la moyenne 2009/2016 (21.8 Mt). Pour l’instant, en prenant les nouvelles surfaces mais seulement 83% récoltées et un rendement de 46.8 bu/acre, nous totaliserions une production de 48.4 Mt et des stocks de report de 23.5 Mt. Pas de quoi affoler la planète.

Ajoutons à cela que nous sommes sur un ratio mondial stocks/consommation 16/17 toutes céréales, très confortable. Avec cependant un bémol concernant les réserves de blé « mobilisables » à l’exportation (hors Chine), qui sont plus tendues que lors des trois dernières saisons. Si la réaction des marchés semble donc trop forte face aux fondamentaux, il ne faut pas écarter d’autres mauvaises nouvelles tant que les blés ne sont pas tous récoltés dans l’hémisphère nord. L’U.E ne devrait nous créditer que de 4 Mt de plus qu’en 16/17 et la CEI sera moins au marché en 17/18 avec un disponible exportable annoncé en recul de 2 Mt. Quant à l’hémisphère sud, il devrait être moins présent sur la deuxième partie de campagne que ce que nous avons connu en 16/17.

Notre blé français n’a pas été insensible à ce qui se passe outre atlantique, même si sa réaction a été moins violente. Deux éléments difficiles à maîtriser aujourd’hui, influenceront l’avenir de la cotation sur Euronext. Tout d’abord, l’évolution de la parité euro/dollar dont le renchérissement actuel limite les velléités de hausse en euro. Et ensuite, la qualité qui sortira des champs. La teneur en protéines semble très prometteuse. Il faudra aussi que les autres paramètres meuniers soient à la hauteur. Car le potentiel haussier sur le marché mondial ne concerne que le blé de qualité, dont les stocks se réduisent depuis trois ans aux USA et dont les réserves en Russie sont difficiles à évaluer. Si les investisseurs se ruent actuellement sur le SRW [2] à Chicago, c’est uniquement parce que ce contrat est le plus négocié et donc le plus fluide. Mais c’est bien le HRS [3] qui flambe sur le marché de Minneapolis (+40% au plus fort de la hausse), avec une prime sur le SRW passée de 41$/t à 105$/t en un mois. Nous devrions connaître un marché porteur sur le blé meunier français (intermédiaire entre le SRW à 8 à 11% de protéines et le HRW[4] à 10/13.5 %), s’il est au rendez-vous. Mais son effet d’entraînement sur le blé fourrager dépendra de l’offre en orge et en maïs. Pour autant, la pression de récolte est devant nous. Il ne faut donc pas paniquer, tout en restant vigilant !

[1] Blé de printemps de haute qualité cultivé dans le nord des Etats Unis et au Canada.

[2] Soft Red Winter wheat

[3] Hard Red Spring wheat

[4] Hard Red Winter wheat

Vigie-mp.com juillet 2017